Del libro "Sables" Les éditions Transignum 2019. Fotografía de Wanda Mihuleac ©
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La mer respire
lente changeante
expire et lèche le rivage
où la marée laisse imprimé
un humide trémail
J’y pose à plat le filet à crevettes -
grises et vitreuses comme le sable
elles gigotent entre les mailles et les plis
prises dans le croissant du carrelet
et s’échappent entre mes doigts d’enfant
le sable aspire ma cheville
aspire ma mémoire
l'empreinte de mon pied s’emplit d’un éclat de miroir
minuscule
et la vague suivante l’engloutit et remporte
les algues rejetées du filet
les poulpes transparents
et les méduses glauques
La mar respira
lenta cambiante
expira y lame la orilla
donde la marea deja impreso
un húmedo trasmallo
Dejo la red para las gambas -
grises y virtuosas como la arena
patalean entre las mallas y los pliegues
atrapadas en la media luna del salabre
y se escapan entre mis dedos de niña
la arena aspira mi tobillo
aspira mi memoria
la huella de mi pie se llena de una esquirla de espejo
minúsculo
y la ola siguiente se la traga y se lleva
las algas que la red rechaza
los pulpos transparentes
y las medusas glaucas
Chaque vague soulève à grand-peine
une nappe emporte
la trame des mots
l’efface et seule reste une trace
mémoire de sable
crissant glissant soie
au cri déchiré
menus murmures comme
des pas d’oiseau
la dentelle des coquilles vides
sur la grève l’arène ourdie de temps
lourde draperie de dunes et d’estran
plis sur plis où se dissout le vent
du souvenir
Cada ola levanta a duras penas
un manto se lleva
la trama de las palabras
la borra y solo queda una huella
memoria de arena
rechinando deslizándose seda
de grito desgarrado
menudos murmullos como
de pasos de pájaro
el encaje de las conchas vacías
en la playa la arena urdida de tiempo
pesado tapiz de dunas y mareas
pliegue sobre pliegue donde se disuelve el viento
del recuerdo
Elle est allongée comme la dune aussi
nue
ses pieds touchent la mer
et les mains de Sable racinent
s'allongent
elles s'allongent sous le sable
écrivent les liserons rampants
la bugrane épineuse aux fleurs de papillon
le mandala de l'espérance
chemin barbelé vers
la sortie du labyrinthe
de solitude et de souffrance
et Sable ouvre ses yeux-fleurs
blêmes comme un ciel de plomb
étoiles mortes et inversées
battues par le vent sidéral
et la bouche d'Elle sans cesse tente
le cri qu'étouffe toujours
le sable qui volète
Ella, tumbada también como la duna
desnuda
sus pies tocan la mar
y las manos de Arena se enraízan
se alargan
se alargan sobre la arena
escriben las campanillas rampantes
la gatuña espinosa con flores de mariposa
el mandala de la esperanza
camino de púas hacia
la salida del laberinto
de soledad y sufrimiento
y Arena abre los ojos-flores
lívidos como un cielo de plomo
estrellas muertas e invertidas
sacudidas por el viento sideral
y la boca de Ella sin cesar intenta
el grito que ahoga siempre
la arena que revolotea
Lovée au creux des dunes
le nez contre le sable humide à peine sous
les touffes de carex
comme au creux d'une aisselle au parfum minéral
intense et fade dans la mémoire
caresse rêche animale et poudreuse
je sais qu'Elle respire
de nous de notre rire
je déboule dévale le long du flanc de Sable
et la dune s'écroule émue de son écume sèche
je déboule dévale du giron de la dune
et ma main écorchée à sa couronne barbelée
saigne couleur de rouille sur l'éclatant
cristal
de silice
Je suis fille de Sable
mais les mots
m'appartiennent
Je crie
j'écris
Acurrucada entre las dunas
su nariz contra la arena húmeda apenas bajo
las matas de carrizo
como en el hueco de una axila de perfume mineral
intensa y desabrida en la memoria
caricia áspera animal y polvorienta
yo sé que Ella respira
de nosotros de nuestras risas
me lanzo me abalanzo por la pendiente de Arena
y la duna se derrumba emocionada por su espuma seca
me lanzo me abalanzo desde el regazo de la duna
y mi mano desollada en su corona-alambrada
sangra color de óxido sobre el deslumbrante
cristal
de sílice
Soy hija de Arena
pero las palabras
me pertenecen
Es grito
escrito
Fotografía Wanda Mihuleac